Violaine est étudiante en Information – Communication m’a posé quelques questions  sur le coaching en entreprise. Avec son accord ci-dessous la retranscription de nos échanges. Merci Violaine pour ce beau travail 😉

Étudiante : Depuis combien de temps exercez-vous le métier de coach (en entreprise) ?

 Coach : Coach en entreprise, pour moi c’est un métier à temps partiel. C’est un temps partagé entre mon travail principal de prof d’EPS à l’INSA de Rennes et le temps où je ne suis pas dans l’activité de prof d’EPS, pour lequel éventuellement je peux investir un petit peu de ce temps sur le terrain du coaching. On pourra dire que j’ai commencé à faire du coaching il y a très longtemps, en 1992, quand je suis arrivé à l’INSA et que j’ai commencé à accompagner certains sportifs de haut niveau. Mais ça ne colle pas avec la définition du coaching que j’ai maintenant et qui n’est pas là même que celle que j’avais en 1992. Avant 1992, j’étais un coach sportif, entraîneur de volley-ball, donc je faisais du coaching mais du coaching dans une discipline, c’était spécialisé, avec une compétence, une expertise de physiologie, de connaissance des organisations liées au volley-ball, etc. Depuis cinq ans, je fais du coaching d’entreprise, qui est un autre type de coaching, qui a aussi une expertise mais pas forcément une expertise du métier des gens que j’accompagne, plutôt une expertise du processus d’accompagnement, de sa démarche. On pourrait dire, sans se tromper de trop, que je fais du coaching depuis cinq ans. Par contre, je ne suis certifié, formé au coaching, que depuis trois ans et certifié par l’International Coaching Fédération depuis le mois de septembre 2012, donc depuis moins d’un an. En fait, ce métier-là demande une maturation, demande une formation, il y a pas mal d’étapes pour pouvoir dire « je suis coach ».

 Étudiante : Quelle(s) formation(s) avez-vous suivie(s) pour pouvoir exercer ce métier ?

 Coach : La formation est multiple. Il y a une première formation liée à ma formation initiale de prof d’EPS en STAPS, il y a déjà un peu plus d’une vingtaine d’années. La deuxième formation c’est la découverte d’une méthode « ActionTypes » qui est basée sur des typologies de motricité, comment est-ce que tu bouges ton corps quand tu veux être performant dans toutes les situations entres autres la performance sportive. Il y a aussi la performance de communication, la performance relationnelle, l’interaction avec quelqu’un. On pourrait donc dire que l’on utilise surtout notre tête, et non, on utilise notre tête et notre corps puisque, jusqu’à preuve du contraire, il y a une liaison qui fait que les émotions, le corps, l’ensemble des choses interagissent pour être le plus efficace possible. Suite à cette approche « ActionTypes », j’ai fait une formation spécialisée en coaching d’entreprise avec Alain Cardon à Paris sur ce que l’on appelle les fondamentaux du coaching qui revisitent la posture du coach : comment est-ce que ma position dans la relation, mon écoute, mon silence ou au contraire mon questionnement vont accompagner le client vers la résolution de son questionnement, vers l’atteinte de ses objectifs ou vers l’obtention de son résultat ?

Étudiante : Quels sont les principaux courants théoriques étudiés durant votre formation ? Par exemple la psychologie ou encore la sociologie.

Coach : On utilise les domaines de la psychologie et la sociologie. J »en ai appris beaucoup en formation initiale de prof d’EPS, on avait un enseignement assez important sans avoir fait des études de psychologie, on avait pas mal d’éléments sur la psychologie et la sociologie. On pourrait dire que la partie coaching est beaucoup plus opérationnelle et donc on n’apprend pas les différents courants de psychologie dans une formation de coach, on apprend que c’est une relation, que dans cette relation il y a des choses que l’on appelle projection, transfert, contre-transfert. On doit être vigilant et à l’écoute de ces éléments qui peuvent être des choses importantes à revisiter en coaching. Pour autant, ce n’est pas une thérapie le coaching, et donc on a besoin de savoir comment fonctionnent la relation et la personne, quel est son contexte de vie, son milieu de vie ou son référentiel. Pour autant, on n’est pas à travailler psychologiquement avec cette personne en fait, notre attention consiste simplement à la guider, à l’accompagner, et à lui permettre d’atteindre un résultat qu’elle ne juge pas capable d’atteindre toute seule. C’est là qu’on a un comportement ou une attitude qui pourrait être paradoxal, c’est lui apprendre à faire toute seule, ou l’aider à faire toute seule, ce qui est paradoxal puisqu’en fait il faudrait qu’elle fasse toute seule pour être capable de faire toute seule et elle prend quelqu’un qui l’accompagne pour être capable de faire toute seule.

Étudiante : Le métier de coach est souvent assimilé à d’autres métiers, par exemple on parle de coach-consultant, pourquoi on rapproche ces deux termes ?

Coach : Quand on intervient dans une relation ou dans une entreprise, on intervient dans un système complexe. Le coaching est un outil de performance, le conseil est aussi un outil de performance pour un expert. Le coach a une expertise de la lecture des processus, de la lecture des interactions, de l’analyse d’un système dans une entreprise pyramidale ou organisationnelle. A ce titre il pourrait à un moment donner un conseil. Pour autant, s’il adopte la posture de conseil il impulse une direction, une injonction, quelque chose qui, dans l’optique du coach, est contre-productive. On fait donc attention à sa posture car éventuellement on pourrait faire les deux, et là il faut être vigilant pour ne pas avoir d’intention pour le client, pour que ce soit d’abord et avant tout la solution du client construise par lui-même, ce qui lui permet de la mettre en œuvre. Tandis que si le client met en œuvre une proposition ou une injonction du coach, cela peut ne pas être performant ou si le résultat n’est pas ok, à ce moment-là le client pourrait à juste titre revenir vers le coach en lui disant « tu es responsable de cette absence de résultat », ce qui est contre-productif. Il y a ainsi une différence de posture entre le conseil qui sait, qui dit comment faire et le coach qui sait mais qui ne dit pas comment faire pour que la solution vienne du client.

Étudiante : Quels sont les différents certificats/diplômes qui permettent d’exercer ce métier ?

Coach : Les certificats sont éventuellement plus des certifications qui sont liées à certaines fédérations ou écoles qui regroupent les coachs car en fait, la corporation est relativement récente. Cela fait une vingtaine, une trentaine d’années maximum, que l’on parle de coach. Avant on avait des mentors, des gens qui étaient plutôt formateurs ; le coaching est quelque chose d’assez nouveau. Il s’est fédéré autour de plusieurs fédérations, moi je suis adhérent de l’international coaching fédération ICF, il y a SF Coach, d’autres fédérations comme l’Association Européenne de Coaching. Ces fédérations ont défini une déontologie, un contexte dans lequel on fait du coaching, on définit le coaching. Elles ont rassemblé des coachs pour que l’on puisse s’entraîner et être en situation d’amélioration continue donc on travaille en groupe de pair pour s’entraîner à être coach et pour revisiter les postures du coaching afin de vérifier que l’on ait bien les lunettes propres, c’est à dire que l’on regarde bien la problématique du client et que l’on ne soit pas en train de travailler sans s’en rendre compte sur sa problématique personnelle, auquel cas où on ne serait pas en situation juste par rapport au client. Ces fédérations, ou syndicats ou associations, ont généré un cursus ou une validation et donc certains grades de professionnalisme. Il y a des gens qui ne sont pas certifiés et des gens qui sont certifiés par leur école, donc comme on parle de déontologie, on pourrait alors se demander comment est-ce que cette école qui paye pour être formatrice, qui est payée par le client, peut en juste titre, sans être dupe, valider la compétence du coach qu’elle a formé, sans valider sa propre compétence de formateur ; il y a donc une petite ambiguïté. Concernant l’International Coach Fédération, l’évaluation et la certification sont des processus indépendants de l’école de formation et on arrive avec un grade, moi j’ai franchi le premier grade ACC, qui suppose d’avoir 100 heures de coaching rémunérées, une déontologie, un superviseur ; quelqu’un dans mon cas une groupe qui m’aide à travailler sur mes pratiques, avec qui je parle de certains cas clients sur lesquels je puisse être en difficulté pour avoir une vision complémentaire et être plus pro encore au service de mon client.

Étudiante : Le coaching doit-il être considéré comme une nouvelle forme de management ?

Coach : Il y a des managers qui font du coaching, il y a des cursus de manager-coach, pour autant le coaching n’est pas une forme de management parce qu’elle instrumentaliserait le coaching pour une fonction qui n’est pas une fonction de coaching. C’est à dire que pour manager un cadre ou une équipe dans une entreprise, ce n’est pas la fonction du coach que d’encadrer, la fonction du coach est d’améliorer la performance, de résoudre certains problèmes. Le manager le fait mais il est au service de l’entreprise, il a le maillot de l’équipe de l’entreprise dans laquelle il travaille. Des fois, il est même l’évaluateur de la personne N-1 ou N-2 ce qui m’amène à une lecture systémique, c’est à dire qu’on regarde la situation avec un tout petit peu de distance, on prend quelques mètres de recul pour analyser. Si je dois évaluer mon collaborateur, je ne peux pas le coacher, il ne peut pas en toute confiance me dire ce qui va et ce qui ne va pas parce que derrière il va il y avoir, « une fonction positive ou négative ». J’ai eu l’occasion de croiser plusieurs DRH qui m’ont dit de déployer des outils au service de l’accompagnement de leurs collaborateurs mais s’ils se sont trouvés avec une difficulté qui est présente au début et fait que l’on ne peut pas manager en étant coach. Le coach, c’est une ressource externe, indépendante, travaillant éventuellement dans un contrat tripartite qui permet de renvoyer l’information au DRH mais qui travaille directement dans le cadre d’une relation directe et non hiérarchique avec son client. Il met en place une communication qui  évite les enjeux et jeux relationnels en utilisant un concept d’analyse transactionnel qui fait que l’on est pas dupe, on est là dans une relation pour résoudre une difficulté ou atteindre une performance. J’ai plutôt tendance à concevoir le coaching comme un outil de performance plutôt que de résolution de problème. Malheureusement, les clients viennent plutôt pour résoudre des problèmes plutôt que pour atteindre une performance et ça fait le parallèle avec ma première vocation sportive plutôt orienté vers la performance. Pour autant, un manager qui fait du coaching ne peut pas bien coacher parce que sa posture n’est pas alignée avec le fonctionnement du coaching.

Étudiante : Il existe deux types de coaching : le coaching externe (comme vous) et le coaching interne. Lequel est privilégié ?

Coach : Cela va dépendre entièrement des modalités, à mon avis, de la relation que l’entreprise a avec le coaching. Si je suis un très bon coach et que j’ai un client, une superbe entreprise qui fonctionne bien, qui aime bien le coaching, qui en propose régulièrement à ses collaborateurs, à un moment donné, si je facture beaucoup avec cette entreprise, ce serait peut-être plus facile d’être salarié de l’entreprise. Je n’aurais plus à chercher des clients et comme ce client-là est un client principal, je deviens éventuellement salarié de l’entreprise. À ce moment-là, dès que je signe un contrat de travail, je porte la couleur de l’entreprise et je deviens un coach interne avec les contraintes ou les difficultés sous-jacentes dont on parlait il y a quelques secondes par rapport à la posture. Je ne suis plus indépendant, mon job est de faire du coaching à plein temps ou à temps partagé dans cette entreprise pour les bénéfices de mes collaborateurs et pour les bénéfices des actionnaires de l’entreprise avec le questionnement en permanence « est-ce que je suis là pour le collaborateur ou pour les actionnaires, quelle est finalement la finalité de mon job et la part de disponibilité que je peux avoir, même intellectuellement faussée par le fait que je suis utilisé, à mon insu peut-être, par l’entreprise ». La position externe me semble importante cela étant, pour le coach c’est un inconfort car cela suppose d’aller chercher des clients, d’être vigilant, d’être recruté pour des missions d’accompagnement mais ça permet d’avoir une posture différente.

Étudiante : Quelles sont vos principales compétences, les principaux services que vous proposez aux entreprises et qui sont les plus appréciés ?

Coach : L’écoute, le fait  d’écouter, de donner un espace, de permettre un espace de travail et de paroles pour le collaborateur qui a besoin de cet espace et qu’il ne trouve pas ailleurs. Le fait de savoir quels sont les enjeux, d’être capable de prendre de façon globale la situation de la personne en envisageant les aspects professionnels mais pas que, souvent les problèmes se retrouvent de la même façon au niveau personnel, au niveau des associations sportives ou culturelles dans lesquelles on peut s’impliquer. L’éclairage, le fait de déplacer le problème d’un terrain à un autre permet des fois d’appréhender des solutions qui sont plus pertinentes. Une expertise du processus, si mon client vient vers moi pour une demande, je dois être capable de qualifier cette demande, de travailler cette demande, de lui permettre d’envisager des options, des nouveaux comportements, des nouvelles façons d’agir dans ce contexte pour être plus efficace. Une contractualisation qui fait qu’il y a un contrat clair entre le client et moi lorsqu’on travaille et qui définit les enjeux relationnels, le processus relationnel mais également le résultat de ce coaching. Et puis une expertise qui est liée à toute une histoire de vie, les études de coaching et la certification du coaching n’étant qu’une étape.

Étudiante : L’émergence de la politique du bien-être en entreprise a-t-elle facilité le développement du coaching ?

Coach : Oui et non. Si on considère le coaching comme un pansement pour résoudre un problème, effectivement on est dans une solution potentielle par rapport à la prise en compte des RPS et du bien-être. Pour autant, si on cherche une amélioration de performance, on pourrait augmenter la pression sur le collaborateur et éventuellement avoir un coaching qui n’aille pas tout à fait dans le sens essentiellement « bien-être ». Après, cela dépend du coach et de sa posture. Si je souhaite de la performance, si je souhaite te permettre d’être performante là en tant que quelqu’un qui vient questionner un coach, je pourrais faire attention à ton bien-être, te demander si ça va, si tu es bien assise, t’envoyer des feedbacks, pour essayer de savoir un petit peu comment tu vas en tant que personne. Cela fait partie de mon job de coach de respecter la personne, de lui permettre d’être efficace, de la faire sortir éventuellement, de l’aider à sortir, de l’accompagner sur le fait de sentir que tout le monde la persécute, parce que peut-être que tout le monde ne la persécute pas, peut-être que c’est simplement sa vision du monde qui suppose de nettoyer ses lunettes, de regarder un petit peu dans les recoins et les rétroviseurs pour regarder sa vie en tant que telle avec un regard différent. Un regard permettant de travailler sur sa vision personnelle, sur l’estime de soi peut faire l’objet d’un coaching, qui pourrait être un coaching de vie quand certains vont faire plutôt un coaching à l’intérieur de l’entreprise. Cela étant, on ajoute souvent des qualificatifs au coaching, on fait tous du coaching et lorsqu’on est en situation de coaching de vie on travaille l’aspect personnel. Quand on travaille en coaching plutôt entreprise, on aborde aussi les questions personnelles, l’estime de soi, de la relation en couple ou en famille, etc.

Étudiante : Quelles sont les problématiques récurrentes au sein d’une organisation ? (Stress, performance, résistance au changement,…).

Coach : Stress, communication, réorganisation, prise de poste, injonction paradoxale « on me demande ça mais en-dessous on me demande le contraire », des enjeux de pouvoir, de décision. Les sujets pour lesquels les gens viennent en coaching sont très différents et sont une étape dans leur construction personnelle. A un moment donné, ils bloquent sur quelque chose qui les empêche d’avancer ou ils ont une telle responsabilité qu’ils projettent le fait que ça puisse être difficile et ils demandent d’être accompagnés pour cette fonction, pour cette résolution de problème anticipé.

Étudiante : Auprès de quelles personnes intervenez-vous en entreprise ?

Coach : Je n’interviens pas beaucoup puisque mon activité principale est prof d’EPS donc j’ai un temps limité à quelques heures dans ma semaine pour pouvoir faire du coaching. Pour le moment, j’interviens auprès d’entreprises qui visent l’excellence, l’amélioration continue de leur processus de fonctionnement ; on appelle cela l’amélioration continue, ou l’excellence opérationnelle des entreprises qui sont plutôt dans cette mouvance de remise en cause de ce qu’ils faisaient hier pour s’améliorer pour demain. Un client m’a demandé de l’ accompagner sur l’écriture d’un livre, ça faisait plusieurs années que le projet était présent mais que le passage à l’acte ne s’était pas fait donc c’était l’occasion de passer à l’acte. Il y en a qui viennent me demander simplement de les accompagner pour dire les choses à leurs collaborateurs avant que la cocotte-minute n’explose parce que quand ils ne disent pas les choses en fait, ils génèrent une frustration et ils sont moins efficaces dans leur travail. Il y en a qui vont me poser des questions plutôt de type management : « j’ai une situation dans une entreprise avec un collaborateur et un problème qui pourrait mettre en difficulté l’entreprise ». Il y en a qui vont me chercher sur une réorganisation de l’entreprise, ils ont l’idée de mettre en place une nouvelle organisation de la hiérarchie et ils souhaiteraient retravailler ça et vérifier qu’ils ne commettent pas d’erreur stratégique. Je ne suis pas manager, je ne suis pas spécialiste en organisation, si, je suis spécialiste du déploiement finalement avec quelqu’un sur ce qu’il a envie de faire pour le bien de son entreprise et de lui poser la question, de l’amener à valider le fait que ce soit bien pour tout le monde et que ça ne génère pas du stress ou de la contre-productivité à certains endroits de son système, dans sa hiérarchie. On va donc travailler, non pas le modèle du management, mais l’impact de ses décisions  et le « comment ça se passe lorsque l’entreprise décide de quelque chose ? ». J’ai fait du team building ou du travail d’équipe sur un sujet particulier, par exemple la délégation : « Comment est-ce que le boss délègue certaines responsabilités à ses collaborateurs ? Comment est-ce qu’il récupère des feedbacks concernant l’acceptation de ce qu’il a délégué à ses collaborateurs ? ». Pour savoir si le travail est bien fait. L’information lui revient en retour avec quelque chose d’un petit peu circulaire, on peut appeler ça les processus délégués qui amènent finalement à mettre en œuvre de la souplesse dans l’entreprise et changent du modèle habituel où le chef décide de ce que l’on va faire, il donne des injonctions aux gens qui sont en dessous de lui dans la pyramide décisionnelle ou de la production en disant « voilà c’est comme ça qu’il faut faire ». Cela a un côté plus social, c’est aussi un côté qui permet l’efficacité, qui permet l’énergie et l’implication de tout le monde, ce qui n’est pas systématiquement le cas dans un modèle directif.

Étudiante : Les autres personnes doivent-elles faire appel à un coach personnel ou peuvent-elles recourir à un coach d’entreprise ?

Coach : Je ne sais pas. On a tendance à dire que le coût du coaching est assez important donc l’investissement d’un coaching pour l’entreprise est en conséquent stratégique. Les personnes coachées sont plutôt les cadres et moins les opérateurs. Cela étant, quand on est dans une perspective d’amélioration continue, on sait que le savoir, le savoir-faire se situe tout en bas de la pyramide, sur les gens qui sont en production et ils sont très lucides et pertinents dans leur vision du monde et la vision de l’entreprise. Ils ont toute légitimité pour pouvoir bénéficier d’un coaching, à priori il n’y a aucune raison qui empêche un opérateur, quelqu’un en bas d’une échelle administrative ou d’entreprise, de bénéficier d’un coaching avec autant de réussite qu’un cadre. Il y a juste l’aspect économique qui fait que la fonction de l’entreprise est de réussir à générer du business et donc pour ça, elle peut peut-être choisir stratégiquement d’investir plus de sous pour l’accompagnement d’un manager que pour l’accompagnement d’un opérateur. Cela étant, il n’y a absolument rien qui interdise de travailler au niveau d’un opérateur avec le même bénéfice, s’il y a une difficulté, l’opérateur résoudra son problème par l’intermédiaire d’un coaching, aussi bien qu’un manager.

Étudiante : A quel stade du « problème » ressenti intervenez-vous ?

Coach : Cela dépend de l’entreprise et de son activité. On peut arriver comme un pompier à la fin, pour constater que les choses sont cramées et que l’on ne peut plus rien faire, auquel cas c’est un peu désolant parce que les outils mobilisés auraient pu éviter l’incendie et on constate les dégâts, donc là c’est trop tard parce que l’entreprise n’a pas été réactive. On peut arriver en amont avant que les problèmes n’aient lieu pour travailler tranquillement à la vision de l’entreprise, dans une échéance très lointaine, à la préparation des dossiers, etc. Dans ce cas, il n’y aura jamais incendie dans cette entreprise parce qu’elle fait attention à ce qui est important pour elle et elle prend des précautions préalables qui évitent d’avoir des difficultés et qui visent la performance, donc c’est le coaching de performance qui me semble le plus pertinent. Cependant, c’est souvent quand il commence à il y avoir des difficultés et que ces difficultés n’ont pas été traitées ou n’ont pas trouvées d’échos dans l’entreprise, que l’entreprise ne sait pas faire, qu’elle amène un coach dans le système. Cela étant, ça caractérise aussi le problème, c’est à dire qu’on a pas de problème tant qu’on ne va pas chercher quelqu’un de l’extérieur pour nous aider souvent et pour autant, à partir du moment où l’on va chercher quelqu’un, ça veut dire que l’on a un gros problème sinon on irait pas chercher un coach. L’idée serait finalement, enfin  l’idéal dans notre vision en tant que coach, serait que chaque système soit capable, très facilement, d’interpeller un coach pour des accompagnements très courts. Mes accompagnements sont souvent de quelques heures avec un maximum d’une dizaine d’heures, mais souvent de l’ordre de cinq heures quand il n’y a pas un gros problème. Quand il y a un gros problème, évidement on se retrouve avec un travail plus copieux parce que les choses sont un peu installées et sont un peu plus difficiles à bouger.

Étudiante : La démarche émane-t-elle généralement du chef d’entreprise ou du salarié ?

Coach : L’un comme l’autre, ça peut-être le DRH aussi, la personne qui gère les ressources humaines qui sent qu’il y a quelque chose d’un peu compliqué qui se passe, ou un collaborateur qui est en difficulté ou le fait de voir que de façon récurrente il y a un certificat médical d’arrêt de travail pour une raison ou pour une autre. Il faut se poser la question « est-ce qu’il ne serait pas utile de travailler cette question pour permettre au collaborateur d’aller mieux, ou de résoudre des difficultés ou d’atteindre des objectifs » donc c’est éventuellement les trois. Les entreprises dans lesquelles je suis intervenu, c’était souvent pour le décideur de l’entreprise, donc le chef d’entreprise, ou pour un de ses très proches collaborateurs.

Étudiante : Quel type d’entreprise, de secteur en particulier, fait appel à vos services ?

Coach : C’est tout secteur confondu puisque ça va de particulier à PME par exemple. On a tendance à dire en coaching un type de client particulier, un peu récurrent qui nous fait travailler, progresser sur nos zones d’ombres, nos difficultés personnelles donc je ne sais pas caractériser un type de client personnel. Cela étant, je ne suis pas un très « vieux » coach puisqu’en fait je n’ai pas une expérience de 10 ans et la possibilité de caractériser de façon récurrente une typologie d’entreprises qui viennent me voir. Pour le moment, c’est plutôt l’occasion qui fait le larron ou la relation qui se créée avec quelqu’un que je croise et qui me parle d’une problématique particulière, à qui j’ai la possibilité de proposer un accompagnement professionnel.

Étudiante : De quelle manière se déroule votre première rencontre avec l’entreprise ?

Coach : La première rencontre est largement avant le premier rdv parce qu’en fait il y a un process de concrétisation d’un coaching qui des fois est très long ou très court. Il n’y a pas vraiment de règles, par contre, la façon dont se passe cette première relation est intéressante pour anticiper les outils que l’on va pouvoir mobiliser pour la suite. Par exemple, il y a des entreprises que je connais, que je suis depuis 2,3,4,5 ans et qui aujourd’hui me font une demande de coaching parce qu’elles me connaissent, elles connaissent mon parcours, elles vont regarder un petit peu qui je suis, elles vont faire attention à la relation que je pourrais proposer aux collaborateurs avec qui je vais travailler, et ça leur donne un gage de confiance qui va leur permettre de me choisir ou de choisir quelqu’un d’autre. Il y a des gens qui vont me téléphoner simplement parce qu’ils ont vu un article sur internet où ils voient que je m’occupe de la performance sportive ou que je fais du golf et que dans le cadre du golf, eux ayant un atome crochu avec le golf, ils vont trouver une entrée par là. D’autres vont chercher quelqu’un qui est certifié, d’autres vont chercher quelqu’un qui est supervisé, donc ils vont trouver une relation avec quelqu’un de particulier. C’est d’abord une rencontre, dans un deuxième temps, il y a une demande donc tant qu’il n’y a pas de demande il n’y a pas de coaching. Il faut qu’il y ait une mission pour travailler et une fois qu’il y a une demande exprimée, on va travailler cette demande pour obtenir un résultat qui correspondrait à la réponse de la demande. Si quelqu’un a une difficulté pour une prise de poste, on va lui dire que la demande c’est de l’accompagner pour cette prise de poste en entreprise : le résultat serait dans combien de temps ? Qu’est ce qui va lui permettre de dire qu’il a réussi sa prise de poste ? On va avoir quelques indicateurs qui vont devenir des objectifs, des résultats à atteindre dans un délai X ou Y.

Étudiante : Qui finance votre intervention ?

Coach : C’est l’entreprise qui paye le coach même si je disais tout à l’heure que le coach a un bénéfice non négligeable parce qu’il apprend en même temps qu’il accompagne le coaché sur lui-même, sur ses faiblesses éventuelles. Parce qu’en fait, le coach n’est pas tout puissant, n’a pas de solution, de baguette magique pour le client donc c’est l’entreprise qui paye une prestation globale qui est facturée, qui est définie sur un nombre d’heures, de séances, selon les besoins.

Étudiante : A quel moment est-il possible de déterminer la durée du contrat ?

Coach : Cela fait l’objet des premières séances de coaching de définir finalement le processus, chacun ayant un processus qui lui convient. Je travaille beaucoup au téléphone et par skype et les chefs d’entreprise qui sont très occupés vont plus facilement se libérer entre deux en un quart d’heure, une demie heure on travaille beaucoup en coaching, on n’a pas forcément besoin d’une demie journée de travail. On n’est pas dans une logique de développement personnel, de bien-être en premier, on est dans quelque chose de très opérationnel, qui est la demande, les résultats attendus : comment est-ce qu’on met en place un plan d’action pour atteindre ces résultats et comment est-ce que quelqu’un nous accompagne agréablement sur ce terrain ? On n’est pas là pour faire de la causette. Même si la relation est fondamentale, l’objectif est de réussir ce coaching et que le client soit le plus autonome possible et ce le plus vite possible.

Étudiante : Les différentes étapes de votre intervention en organisation sont-elles déterminées lors de la première rencontre ?

Coach : Durant la première rencontre, il y a une segmentation dans le fonctionnement du coaching. J’ai un coaching assez éclaté, séquentiel dans ma préparation. Par contre, dans sa réalisation je sais qu’il va passer toutes ses étapes mais elles ne sont pas planifiées pour autant parce que ça me permet d’accueillir ce qui émerge de la relation avec mon client et puis d’avoir des fois des bonnes surprises parce qu’il y a trois étapes qui sont balayées d’un revers de la main, parce que finalement elles ne posent pas de problème, ce qui permet d’investir plus d’énergie et plus de temps sur l’étape déterminante pour la réussite. Ainsi, dans le processus, on pourrait dire qu’il y a une rencontre d’abord, le choix du client de travailler avec moi ou de travailler avec un de mes confrères puisqu’en fait, c’est une relation donc il est souvent conseillé au client de rencontrer, un, deux ou trois coach(s). Pour faire un choix relationnel, il ne faut pas que ça le fasse de trop, il faut que ça se fasse suffisamment au niveau relationnel pour pouvoir être efficace puisque l’une des méthodes du coach est d’être confrontant, de dire « tu as décidé ça, c’était bon pour toi hier quand on en avait parlé, aujourd’hui tu ne l’as pas fait, je te confronte simplement. Si tu ne fais pas ce que tu as décidé, tu risques de rater le coaching mais c’est ta responsabilité de client qui est en jeu, ce n’est pas ma responsabilité de coach. Tu devais faire ça tu ne l’as pas fait, par contre ma responsabilité de coach c’est de te confronter de te dire tu avais décidé ça, et tu ne l’as pas fait, de te proposer des alternatives, des options, de te proposer de chercher des options pour toi de telle sorte à ce que le résultat à la fin soit atteint ». Par contre, si le résultat n’est pas atteint, c’est de la faute du coach ou du client ? La responsabilité du résultat est la responsabilité du client, si le client n’y va pas c’est qu’il a de bonnes raisons de ne pas y aller et donc le coach n’est pas là pour obtenir le résultat à tout prix, il est là pour accompagner le client et accepter que, peut-être qu’à un moment donné, le client ait tout intérêt à ne pas atteindre son résultat pour d’autres autre bonnes raisons qui n’ont peut-être pas été formulées dans la relation. Atteindre ce résultat pourrait l’amener à divorcer et il ne veut surtout pas divorcer par exemple, ou l’amènerait dans une difficulté personnelle dans laquelle il ne veut pas aller et donc l’idée n’est pas d’obtenir le résultat à tout prix mais de tout faire pour que son client l’atteigne s’il le veut vraiment et s’il le peut vraiment. En fait, en étant persuadé qu’il le peut vraiment, la question est plus due à ce qui est bon pour lui, en quel cas on va envisager la situation globale et se rendre compte qu’il peut il y avoir des difficultés et ces difficultés sont sans doute salutaires pour le client plutôt que dommageables pour lui. Dans le process, il y a d’abord une rencontre, il y a ensuite l’expression d’un besoin, d’une demande, il y a ensuite une contractualisation, un contrat, un document signé qui précise quels sont les attendus du coaching, quel est le cadre relationnel, comment ça va se passer dans la relation. Dans mon contrat, je rajoute la charte déontologique, ce que j’ai le droit de faire, ce que je n’ai pas le droit de faire, comment ça va se passer, qui définit le nombre de séances, le prix des séances, qui définit l’arrêt du processus, si on est plutôt d’accord pour travailler ensemble, qui définit en fait l’ensemble des paramètres. Ce qui fait que, si le client vient pour une difficulté, il va trouver un terrain favorable pour travailler en relation avec le coach dont les règles du jeu sont posées dès le départ et sur lesquelles il n’y a pas d’ambiguïté.

Étudiante : Quels types d’entretiens menez-vous ?

Coach : Je pense qu’ils sont très différents, pour autant ils sont assez formatés. C’est à dire qu’à chaque rdv, entretien, il y a un nouveau « contrat » relationnel ou un résultat pour la séance en cours, donc les entretiens peuvent aller de 10 minutes au téléphone ou par skype à  une demie heure, une heure étant un grand maximum. Pour autant, j’utilise également des outils qui changent un peu les modalités des relations, par exemple, quand j’utilise le modèle ActionTypes, c’est un tout petit peu plus long puisqu’on détermine un profil de motricité, on détermine également un profil de personnalité. On a des indications par rapport à la façon dont la personne génère ou gère le stress, ou dans la façon dont la personne a conduit une logique dans son histoire de vie, donc c’est un outil d’accompagnement et de psychologie plus que de coaching mais qui peut être réinvesti dans une opération de coaching. Les modalités sont assez élastiques en fonction des besoins, les modalités des relations concernent systématiquement la définition d’un objectif ou d’un résultat pour la fin du rdv. C’est l’accompagnement avec un questionnement, avec l’expression de ce que je ressens, moi en tant que coach, qui est souvent un reflet, style miroir, de ce que le client exprime dans son discours, dans sa posture, dans son bien-être ou moins bien-être, ce qui est souvent à la clé de pas mal de résolutions de difficultés pour le client puisqu’il exprime souvent vers moi ou dans notre relation la même chose que ce qu’il exprime dans son système de  vie, dans son système relationnel au boulot ou à la maison, c’est quelque chose d’important. Et puis on va avoir systématiquement la mise en place de feefbacks et feedforwards, « comment est-ce qu’on méta-communique ? », c’est à dire « comment est-ce qu’on communique sur notre communication de telle sorte à ce que l’on se rende compte qu’il y a des choses qu’on fait bien, des choses qu’on fait moins bien? », et si moi en tant que coach, je fais mal les choses, il est de ma responsabilité de le dire. C’est un bon moyen de faire avancer mon client parce que si je suis pro et que d’habitude tout se passe bien dans mes coachings, être en difficulté avec ce client en particulier et aussi via la relation qu’on a ensemble, m’oblige à le dire, ne serait-ce que pour me réaligner par rapport à ma puissance de coach et permettre au client de se dire « oui on a le droit de faire ça donc je peux le faire aussi », lui donner une des permissions, des autorisations, des possibilités de faire autrement.  Une remise en question est indispensable, le coach qui ne se remettrait pas en question finirait par être gourou et ce serait extrêmement dangereux pour son client.

Étudiante : Agissez-vous sur la sphère privée en tant que coach d’entreprise ?

Coach : Cela dépend de la stratégie qui va apparaître au sein du coaching. Des fois, il est capital d’aller dans la sphère privée, des fois il ne faut surtout pas y aller. En fait ça dépend beaucoup du contexte, du sentiment que l’on peut avoir, de l’utilité de l’avoir. Par exemple, quelqu’un qui a du mal à dire les choses, on pourrait se rendre compte qu’il les dit très facilement à la maison mais qu’il ne les dit pas dans l’entreprise, ou au contraire, qu’il ne dit  pas à la maison et qu’il dit des choses dans l’entreprise. Finalement, c’est une option stratégique de déplacer le contexte d’une sphère privée à professionnelle ou à sportive, ça permet d’aller chercher des endroits ou le problème n’existe pas quand le problème existe dans un domaine plus que dans un autre. Cela permet de mettre en évidence le fait que le client ait les ressources pour agir différemment puisque c’est une variable de contexte à ce moment-là, donc on peut modéliser le fait que dans d’autres endroits le problème n’existe pas, on peut aussi aller modéliser avec des gens qui savent faire, dont on a épié un peu le « comment ils font » pour être capable d’être plus efficace en regardant, en mimant la façon dont ils sont le plus efficaces, en fait les stratégies sont très diverses et variées.

Étudiante : Le fonctionnement de l’entreprise doit-il vous être familier ?

Coach : Oui et non parce que justement l’une des pertinences c’est de ne pas connaître donc si on n’est pas en expertise et en conseil, le fait de ne pas connaître l’entreprise peut être un bon moyen de venir avec des questions franchement naïves et volontairement naïves dans l’entreprise. La difficulté c’est quand on a construit une expertise du système de l’entreprise, qu’on sait éventuellement et qu’on a la prétention de savoir ce qui pourrait être bon pour l’entreprise alors qu’on est pas à la place des chefs de l’entreprise, la difficulté pourrait être d’avoir une intention pour le client et de l’amener là ou ce n’est pas bon pour lui parce que même s’il y a des modèles de construction d’entreprise, ces modèles ont évolué avec le temps. Aujourd’hui, est-ce que le modèle est stabilisé, arrêté comme le modèle d’une bonne entreprise ? Si ça existait, ça se saurait, ce serait un best-seller, ce serait un bouquin qui se vendrait très bien. Pour autant, ce bouquin-là n’existe pas, il y a plein de bouquins qui proposent des modèles différents, on sait, pour les avoir étudiés, qu’il y a plusieurs cultures d’entreprise, qui correspondent à une façon historique de création d’entreprise, à  l’exercice de cette mission que l’entreprise s’est donnée et sur laquelle elle s’est construite, il y a un aspect évolutif qui fait que l’on peut deviner, anticiper, les étapes futures de développement et qu’on pourrait dire que c’est par là qu’il faut aller. Il faut plus, à mon sens, être disponible pour questionner l’entreprise sur sa fonction, le sens de sa finalité (vers où elle veut aller dans du long terme), plutôt que d’avoir une intention pour cette structure, ce qui est à mon sens, le meilleur moyen pour lui permettre d’évoluer. Sinon, on pourrait lui permettre de résister et l’entreprise, comme toute équipe, a énormément de résistance, vis à vis d’un changement ou d’une intention extérieure ou d’une agression extérieure. On a dit tout à l’heure que le coach était extérieur, il pourrait il y avoir énormément de force de répulsion de cette identité extérieure qui vient mettre le bazar dans l’entreprise et qui est perçue comme telle. On pourrait prendre un exemple, j’ai eu la chance d’intervenir avec des skippers pro à Port-la-Forêt pour des gens dont le métier est d’être navigateur comme Armel Le Cléac’h par exemple. D’autres que lui ont choisi d’être accompagnés en coaching sur leur saison de voile et pour autant cette entrée à Port-la-forêt m’a été permise parce que j’étais coach mais que je ne connaissais rien à la voile et, surtout parce que je ne connaissais rien à la voile, la porte s’est entrouverte pour qu’on puisse travailler ensemble. Si j’avais été pratiquant de voile, je ne serais jamais rentré dans ce milieu-là parce que d’autres coachs ont eu tendance à donner des conseils, et à dire ce qu’il faudrait faire, et auquel cas, les coachés arrivent en concurrence avec les coachs de voile qui sont entraîneurs de voile, qui ont une expertise de voile, et qui savent très bien comment il faut naviguer. Ils pourraient alors avoir une intention pour le navigateur qui pourtant est expert de sa navigation et à qui il n’est pas évident de venir donner des conseils.

Étudiante : Quels sont les objectifs des séances d’accompagnement ?

Coach : Ils dépendent du client, du moment. En fait, c’est difficile d’établir une règle, il y a plutôt une règle dans le processus que dans la définition de l’objectif qui va être posé. Des fois, on intervient aussi avec ce qui se présente au moment de l’accompagnement, c’est à dire que si le client, au moment d’un rdv, reçoit un coup de téléphone ou vient d’avoir quelque chose de particulier dans sa vie, une bonne ou une mauvaise nouvelle, on va travailler autour de ça, donc ça laisse la place à ce qu’on appelle l’émergence qui vient du hasard. On peut aussi estimer que le hasard n’existant pas, si cela arrive maintenant, c’est que c’est juste, on se demande alors « comment on le met au profit comme une opportunité pour réussir le coaching? ».

Étudiante : Les pratiques managériales d’une entreprise peuvent-elles porter préjudice à certaines de vos performances ?

Coach : Oui et non. Cela dépend de la pratique managériale mais dans la mesure où l’on vient sur un rôle qui enchevêtre avec le rôle du manager, il peut y avoir une petite lutte de pouvoir, de brillant, du fait de chercher à être plus beau que l’autre sur un terrain qui normalement n’existe pas. C’est à dire que si le coach est appelé à travailler, il ne vient pas en concurrence avec le fait que le manager n’ait pas fait le job et justement, on a des différences de posture qui expliquent le fait que ce n’était sans doute pas facile ou pas possible pour le manager de faire la même chose que le coach, puisque justement le coach est extérieur. L’idéal serait qu’il y ait une alliance entre le manager et le coach qui travaille en entreprise, l’idéal serait un contrat tripartite qui permette au manager d’avoir co-définit avec le client les objectifs du coaching, de telle sorte que l’ensemble soit au courant du contrat. Pour autant, assez souvent, le DRH ou le manager, délègue au coach le fait de se débrouiller avec le problème et ne s’implique pas dans ce que lui-même a déjà fait pour travailler sur ce sujet et être capable un jour d’être autonome. Assez souvent, on pourrait se demander si le coaché est la bonne personne et auquel cas il ne serait pas plus judicieux de coacher le manager du coaché qui, dans ce système, n’a pas trouvé pour le moment les solutions pour que le coaché aille mieux et soit performant. Dans le coaching, certains contrats, dont les miens, demandent la possibilité de travailler avec le N+1 parce que cela permet d’avoir une vision globale du système du client et de vérifier que la difficulté ne soit pas que chez le client mais dans ses relations avec son entourage donc N+1 ou N-1. Il faut plutôt rechercher une alliance cela étant, l’alliance ne dépend pas que du coach, elle dépend du système de l’entreprise et de la nature de la demande : « qui a fait la demande et pourquoi elle est passée à ce niveau-là de la hiérarchie ? Est-ce que c’est le boss qui demande le coaching auquel cas, est ce que le boss a fait ce qu’il fallait pour pouvoir accompagner correctement ce client potentiel ? ».

Étudiante : Nous considérons que le coaching répond généralement au besoin d’une seule personne. Le coaching d’équipe représente-t-il donc plus de complications et nécessite-t-il un autre type d’organisation ?

Coach : C’est la même posture qui est réinvestie pour un client qui n’est plus une personne mais un système de personnes, un enjeu relationnel ou un réseau de personnes donc les principes vont être les mêmes. On va définir et co-construire avec l’équipe le résultat à atteindre, le « comment on y va », et on va utiliser d’autres outils qui sont plutôt des outils d’interaction et collectifs au service d’une même problématique avec une même démarche. On va également avoir un contrat qui sera signé par toute l’équipe de telle sorte que l’ensemble de l’équipe s’accapare la problématique qui sera posée.

Étudiante : Selon vous, toute personne d’une organisation peut-elle endosser le rôle de coach à certains moments ?

Coach : Je ne suis pas sûr parce qu’en fait à ce moment-là, la personne fait partie de l’équipe, c’est un coach interne. Cela dépend de la définition que l’on donne. Si on dit que le coach a une formation, des heures de coaching, une supervision, il n’y a pas beaucoup de gens de l’entreprise qui ont la possibilité de dire « j’ai toutes ces conditions-là qui me permettent d’être coach ». Par contre, chacun peut être à un moment donné leader, animateur, responsable d’une partie du projet pour autant, il ne peut pas prendre la posture de coaching puisqu’elle suppose quand même un cheminement assez long au niveau personnel, un certain nombre de compétences qui dépassent le fait de vouloir aider. Le vouloir aider pourrait amener des effets pervers que l’on analyse en analyse transactionnelle comme étant un triangle dramatique, le triangle de Karpmann, c’est à dire que si quelqu’un vient au secours d’une personne, cela signifie qu’il y a une victime, cela veut dire aussi qu’il y a un troisième pôle du triangle qui est le persécuteur et après il y a un jeu circulaire relationnel qui fait que la victime ne reste jamais victime très longtemps et change de polarité, elle devient éventuellement sauveur ou persécuteur, plus souvent persécuteur que sauveur. En fait, le coach n’aide pas et éventuellement pourrait méta-communiquer sur le fait que « tiens c’est bizarre, j’ai l’impression que tu veux du sauvetage, moi je me garderais bien de t’en donner pour telle ou telle raison » parce que tu risques de changer de route, parce que ce n’est pas bon pour toi, ce serait bien que tu sois capable de nager tout seul, que tu n’aies pas besoin que je te lance la bouée, que l’on ne rentre pas dans un jeu relationnel qui soit non productif, voire dangereux donc cela suppose effectivement que le coach ait cette lucidité de ne pas répondre à la demande quand ce n’est pas bon pour le client. Ce qui amène à une définition de coach dans une équipe : être coach ce n’est pas répondre à une demande de sauvetage, cela demande un bagage relativement important, ce qui fait que l’on peut interagir, on peut être leader dans une équipe, on peut manager une équipe et organiser les choses pour que le manager change de façon circulaire mais pour autant on n’est pas coach dans une équipe sans avoir définit le coaching comme formation, supervision, heures de vol, déontologie, etc. Il y a un cadre dans lequel s’exerce le coaching.

Étudiante : Selon vous, le coaching est-il en pleine expansion aujourd’hui ?

Coach : Oui et non. En fait, les entreprises hésitent à faire appel à un coach extérieur parce que ça a un coût. Si on est dans un système en récession ou dans un système en difficulté, on choisit toujours stratégiquement des investissements donc un choix stratégique s’impose par rapport à cela. Aussi, l’expansion n’est pas aussi importante. Il y a de plus en plus de coaching pour autant les coachs ne vivent pas du coaching, même si la facturation est assez importante et que le coaching coûte cher, il y a peu de coachs qui vivent du coaching, beaucoup sont formateurs à côté ou ont un job complémentaire, à la limite comme moi, pour assurer le fait d’avoir un revenu régulier. Des gens comme Vincent Lenhardt, qui est un des pionniers en France du coaching, auraient tendance à dire qu’il faudrait un coach pour 50 personnes mais on est très loin du compte parce que pour le moment, les fédérations rassemblent un nombre assez important de coachs mais pas tant que ça. Il y a de plus en plus d’écoles de formation, ce qui est bon signe. Cela veut dire qu’il y a de plus en plus de gens bien formés autour du coaching et qui apprennent les bonnes pratiques et les bonnes postures. Donc en expansion, oui, mais il y a de la place pour faire beaucoup mieux.

Étudiante : Que pensez-vous des critiques négatives concernant le coaching en entreprise ?

Coach : Les critiques sont fondées parce qu’il y a coach et coach, cela dépend finalement d’une relation, d’une obtention de résultat. Souvent, les entreprises font un peu l’amalgame entre le coaching et le conseil et donc attendent du coach le fait de réussir la mission. Le coach n’est pas là pour réussir la mission, il est là pour accompagner quelqu’un et comme je disais tout à l’heure, il pourrait il y avoir un intérêt inavoué à ne pas réussir la mission qui amène alors à des résultats paradoxaux. Pour autant, il est employé par l’entreprise pour améliorer quelque chose donc clairement, sa mission est définie mais l’obtention du résultat n’est pas automatique, systématique, donc il y a une vigilance là-dessus. Cela dépend de ce qu’on appelle coaching, c’est très différent d’une personne à l’autre, donc le jugement et la critique par rapport au coaching peuvent être simplement liés au fait que l’on appelle pas coaching les mêmes choses, peuvent être liés au coût mais on peut dire aussi que le retour sur un investissement du coaching est beaucoup plus important que le retour sur un investissement de la formation. Beaucoup de gens ont fait des formations et il n’en reste rien, tandis que les gens qui ont fait du coaching, il en reste toujours quelque chose. Il y a une puissance justement dans cette relation avec une personne face à une autre personne ou avec un coach face à une équipe. Il reste toujours énormément de choses parce qu’il y a énormément de choses qui se passent et qui font changer la donne par rapport aux relations futuresdans l’entreprise.

merci Violaine

violaine3@gmail.com